Le Marché

Les facteurs encourageants

Etant donné que la domotique existe depuis plus de 15 ans, on peut se demander pourquoi les spécialistes estiment que son développement est enfin arrivé.

Aujourd'hui seulement 1 à 2% des foyers américains et européens interconnectent des objets électroniques entre eux (Source : Forrester Research), alors que les prévisions tablent sur 20% d'ici 4 ans. Pourquoi cet engouement ? On peut alors constater qu'une série d'éléments favorables est réunie.

En premier lieu nous sommes arrivés aujourd'hui à une démocratisation des produits technologiques. Si ils étaient auparavant réservés à une élite, les appareils technologiques sont à la portée du plus grand nombre. Le téléphone portable, l'appareil photo numérique, le scanner, le home cinéma, l'écran plat, le lecteur DVD… Tous ces produits ont subi une importante baisse des prix et sont revenus abordables. Il existe désormais pour tous ces produits de technologie, des produits situés en bas de gamme, mais néanmoins de bonne qualité, qui permettent aux plus modestes d'être équipés.

Si le développement de la maison communicante a été sans aucun doute freiné par le coût des technologies, ce problème semble aujourd'hui sur le point de se résoudre avec la démocratisation croissante des équipements.

Ensuite, on peut remarquer que la société est, technologiquement, rentrée dans une nouvelle ère. Les consommateurs sont prêts (cf. questionnaires en annexes) à être entourés de produits technologiques. Ils n'ont plus peur de s'équiper de produits sophistiqués et ils sentent qu'ils peuvent les maîtriser. Leur niveau d'équipement actuel montre que les individus sont de plus en plus à l'aise avec les produits hi Tech, et pour certains produits (TV, PC…) le nombre de foyers multi équipés augmente même. Les enfants apprennent désormais dès le primaire à utiliser l'outil informatique et à surfer sur Internet et certaines classes de maternelles travaillent même sur des logiciels informatiques.

Dès leur plus jeune âge, les enfants intègrent Internet, le PC et même le téléphone portable, qui est décliné en jeu, dans leur façon de vivre, de penser, de réagir… Cette génération de " connectés " va grandir avec cette aisance dans l'utilisation de produits technologiques et on peut penser que ceci va faciliter l'essor des maisons communicantes.

Enfin, comme nous l'avons déjà dit, la révolution technologique semble déjà amorcée. Nous sommes passés à l'ère du numérique, où CD et DVD ont remplacé les K7, où l'appareil photo numérique ne cesse de gagner des points face à l'argentique… Internet équipe de nombreux foyers, et le Haut débit avance à grand pas, rendant enfin possible l'interactivité des divers objets de la vie quotidienne.

Les opportunités de marché

Les opportunités de marché pour la maison communicante sont multiples.

La technologie de la domotique offrira de nouveaux métiers et ouvrira de nouveaux marchés. Le développement de la maison communicante apportera des métiers relatifs à la maintenance, à la télésurveillance, au dépannage…des spécialistes naîtront grâce à cette technologie.

Mais les fonctions situées en amont de la production se développeront aussi : des métiers relatifs à l'offre (consultants, architectes…), issus de l'ingénierie, et plus généralement pour toutes les étapes de la production. Les opportunités se feront ressentir sur les marchés de l'électronique, de l'informatique (à travers de nouveaux logiciels), de la décoration, de l'équipement ménager… De nombreux appareils vont devoir être revus, repensés, pour des applications plus vastes.

D'autres opportunités de marché découleront de l'adoption de la maison communicante. En effet, l'automatisation et la délégation des taches ménagères apportées par la domotique, permettront aux individus de consacrer plus de temps aux loisirs, aux activités sportives, artistiques… On peut donc penser que ces activités de détente vont se développer, ce qui sera profitable pour ce marché.

La domotique permettra aussi d'améliorer les conditions des malades et des handicapés, ce qui constitue une opportunité de marché très importante. Ainsi la commande vocale permettra la programmation à distance de toutes sortes d'appareils: de minuscules ordinateurs, fixés sur l'accoudoir d'un fauteuil roulant, sont désormais capables de réagir au son de la voix. Une télécommande électronique, reliée par infrarouge aux différents appareils, actionne alors la lumière, les stores, le téléphone, la porte, la télévision, l'électroménager. Les instituts de recherche travaillent déjà sur une " souris " en forme de visière qui devrait permettre aux handicapés moteurs de surfer, cliquer et dessiner sur un écran d'ordinateur, comme s'ils avaient l'usage de leurs mains, avec une précision au pixel près.

Toujours dans le domaine médical, la maison communicante pourra accueillir des personnes malades, ou tout juste opérées, en toute sécurité. Il sera en effet possible de relier le lit, équipé de capteurs, à un institut médical, qui surveillera de loin par moniteur, l'état de santé du malade. Les hôpitaux ne seront plus surchargés, comme ils peuvent l'être actuellement.

Les freins à l’adoption des nouvelles technologies

La complexité d'utilisation

" Je ne saurais pas m'en servir. Et puis si c'est pour avoir un mode d'emploi de 200 pages… " : lorsque l'on parle nouvelles technologies et nouveaux produits, ce rejet-type revient régulièrement. Beaucoup de personnes refusent de s'équiper en technologie de pointe car ils pensent qu'ils ne seront pas capables de l'utiliser. Même l'utilisation d'équipements depuis longtemps adoptés comme la télévision ou le magnétoscope semble poser des problèmes : seulement 10 ou 20 % des fonctions des produits hi-fi vidéo et des télévisions sophistiquées sont exploités (source Dezineo). On constate des différences dans la perception envers les nouvelles technologies selon le sexe et l'âge. Globalement, les femmes sont plus craintives que les hommes. Des écarts sont également notables entre les populations de plus ou moins 35 ans car les jeunes ont grandi avec la technologie, ce qui n'est pas le cas de leurs aînés et encore moins des seniors.

La peur de la panne

La crainte de la panne est un véritable cauchemar pour les utilisateurs. Rappelons la panique de l'utilisateur quand l'ordinateur ne fonctionne plus, du téléspectateur quand sa télévision s'arrête ou de l'usager quand son téléphone tombe en panne. Or, dans la maison communicante, tous les appareils s'articulent autour d'un même système, réseau ou serveur. Si celui-ci tombe en panne, toute l'organisation de la maison se trouve chamboulée. Dans l'esprit des gens, si un tel événement se produit, alors plus rien ne fonctionnera dans leur maison et ce sera un véritable drame devant lequel ils se sentiront totalement impuissants.

La perte de contrôle

Il est difficile d'aller à l'encontre des fantasmes de certaines personnes qui s'imaginent que leur moindre mouvement sera dorénavant dicté par une machine. Il n'y a plus de jus d'orange dans le réfrigérateur, celui-ci en commande sur Internet, mais peut-être ai-je envie de jus d'ananas pour changer ? Le soleil brille dehors et les volets se ferment automatiquement afin de préserver l'air frais dans la maison, mais peut-être ai-je envie de voir mon salon inondé de la lumière solaire ? Un certain nombre de personnes pensent que la maison communicante leur enlèvera leur liberté de décision et d'action. Ils estiment que les machines doivent être au service de l'homme et non l'inverse.

La sécurité des données

Si toute la maison est connectée sur un réseau, cela signifie qu'un très grand nombre d'informations personnelles et confidentielles vont circuler sur ce réseau, que ce soit la liste des courses ou les images enregistrées par les différentes webcams. Ce réseau étant interne, la sécurité de celui-ci ne semble pas poser de problème sauf si quelqu'un réussit à l'infiltrer. Mais, ce réseau est lui-même connecté à Internet accessible à n'importe qui à n'importe quel endroit de la planète. Il est donc très important que les données soient parfaitement protégées afin de rassurer les utilisateurs. En effet, ceux-ci sont très sensibles à cet aspect et sont angoissés à l'idée qu'on pourrait les espionner chez eux, dans leur propre domicile.

Le manque de communication et de relations humaines

La maison communicante s'occupe de tout. Dans cette perspective, l'aspect humain semble un peu négligé et la communication entre les membres d'une famille semble s'effacer au profit de la communication homme-machine ou machine-machine. Puisque le réfrigérateur gère l'approvisionnement en nourriture, il n'est plus besoin de sortir pour faire les courses ; au lieu d'aller au vidéoclub louer un DVD, autant rester chez soi et s'abonner à un système de Vidéo on Demand ; etc. Un certain nombre de personnes pensent que la maison communicante va réduire de manière considérable les relations humaines. Alors qu'au contraire, le gain de temps permis grâce à toutes ces technologies permet de se débarrasser des tâches ménagères et de se consacrer à l'essentiel : sa famille et ses amis.

Les freins au développement du marché

La vitesse de renouvellement des technologies

La vitesse à laquelle les machines deviennent obsolètes est souvent un frein à l'achat. Les consommateurs hésitent à acheter un ordinateur lorsqu'ils savent que six mois plus tard un nouveau plus performant va être mis sur le marché pour le même prix, voire même moins cher. On assiste donc à un phénomène récurrent où les personnes attendent qu'un produit soit arrivé à maturité (selon leur opinion personnelle) avant d'acheter. Dans cette logique, le prix constitue un effet de levier dans cette attente. En effet, plus le produit est cher et plus les consommateurs vont attendre avant de se le procurer. Car racheter un ordinateur à 1 000 Euros au bout de deux ans est acceptable mais en ce qui concerne une maison communicante à 2 000 000, c'est tout autre chose.

Un prix trop élevé

Si la maison communicante est très attractive, son prix lui l'est beaucoup moins. L'acquisition d'une telle habitation neuve (habitat + système communicant) coûterait environ 2 millions d'Euros (source : Les maison contemporaines à la Villette). Il est évident que peu de personnes peuvent se permettre un tel investissement. Beaucoup seraient très intéressés par ce type de maison mais se sentent freinées par le prix jugé trop prohibitif et inabordable.

L'absence d'une offre structurée

Il n'existe pas d'offre réellement structurée. Les maisons communicantes présentes sur le marché possèdent chacune un système communicant efficace mais qui est loin de proposer toutes les opportunités offertes par les technologies. Les produits existent (Media Center, réfrigérateur Internet…) ainsi que les systèmes domotique (serveur Omizzy…), mais aucun acteur du marché n'offre la possibilité de faire communiquer tous ces supports. En fait à l'heure actuelle, on peut s'équiper d'une maison communicante avec un réseau domestique et une multitude d'objets interactifs sans lien réel entre eux.

Le jugement des consommateurs

Celui-ci est sans appel : 75% d'entre eux considèrent l'agenda électronique comme superflu (enquête Boulanger Ifop mars 2004). Il en va de même avec la maison communicante. Les consommateurs voient en elle une véritable révolution mais ils la rejettent car ils la jugent futile, superflue et la relègue au rang de simple gadget. Ils estiment ne pas avoir besoin d'une telle maison et préfèrent dépenser leur argent à des choses qui semblent bien plus importantes à leurs yeux.

Les dérives éventuelles

La domotique semble, sous bien des aspects, ne comporter que des bénéfices, que des avantages pour les individus : sécurité, délégation, automatisation… Les consommateurs seront soulagés, libres et ils pourront consacrer leur temps à l'essentiel.

Cependant, cette robotisation, cette communication des appareils entre eux, pourrait-elle un jour échapper à l'Homme ? Ce thème est souvent utilisé dans les livre et films de sciences-fiction, mais qu'en est-il réellement ? Il est vrai que certaines dérives sont à éviter.

Une robotisation à outrance pourrait être très néfaste pour les individus ; il faut que ceux-ci restent maîtres de leurs actions. Il en est de même pour les appareils qui communiquent entre eux : le réfrigérateur qui commande les produits consommés sur Internet, le réveil qui actionne la machine à café…cette automatisation ne doit pas échapper à l'Homme. Celui-ci doit toujours pouvoir interagir avec les appareils qui l'entourent et en garder le contrôle. Cette dernière dérive semble effrayer les individus qui ont peur de voir des machines prendre les décisions à leur place (cf. questionnaire).

Les dérives éventuelles reposent aussi sur l'invention des produits ; il est absolument nécessaire que toutes les recherches se consacrent sur des produits issus de la demande, en adéquation avec les réalités du marché, et non poussés par l'offre. Sinon les appareils ne seront que des inventions de laboratoire qui ne répondront pas à une demande, et qui ne répondront à aucun besoin.

Enfin, une dernière dérive que l'on pourrait énoncer, serait de réaliser des innovations de rupture à la chaîne. Lorsque l'on interroge les individus sur leur réticence à l'achat de produits de haute technologie, il apparaît que ceux-ci sont agacés de se retrouver en quelques mois avec des produits obsolètes. Il est vrai qu'aujourd'hui, des produits récents sont retirés du marché et remplacés par d'autres plus performants et plus chers, rendant les autres complètement obsolètes.

La vitesse de renouvellement des produits électroniques irrite plus d'un consommateur. Les individus accusent ainsi les entreprises de technologie de réaliser des innovations sur les produits au " compte-goutte " et de lancer très régulièrement des produits aux différences minimes. Pour la maison communicante, nous ne devons pas nous retrouver dans une telle situation. Les innovations ou les nouveaux produits ne doivent pas sortir sur le marché toutes les semaines, rendant obsolètes l'équipement en domotique d'une maison, au bout de quelques mois.

Le marché : segmentation et taille

Segmentation

La première segmentation à établir est une segmentation " client ".

Le premier critère de sélection est la Catégorie SocioProfessionnelle (CSP) ou le niveau de revenu du consommateur. En effet, selon leur niveau de vie, les individus s'équiperont différemment. On sait par exemple que le plus grand nombre de maisons communicantes se situe, en France, dans le sud-est, sur la côte méditerranéenne, et aux Etats-Unis sur la côte Ouest.

Ensuite, nous pouvons réaliser une segmentation par milieu : si ce dernier est rural ou urbain, les équipements en terme de sécurité, de délégation… ne seront pas les mêmes.

Un critère qui est aussi à prendre un compte est celui de la position géographique. Celle-ci déterminera le type de climat qui permettra d'adapter les matériaux utilisés ainsi que les fonctionnalités tels que le chauffage, la surveillance des nuisances naturelles… aux conditions climatiques. La position géographique donnera également des informations sur le pays. Selon la culture, les habitudes de vie des habitants du pays, des équipements différents seront proposés. Certains individus sont par exemple, déjà habitués à manipuler et à adopter des produits technologiques alors que d'autres se familiarisent tout juste avec Internet, certains enfants sont habitués à jouer dans la rue alors que d'autres jouent dans leur salle de jeux ou dans leur jardin…les habitudes de vie différent bien souvent d'un pays à un autre et les maisons communicantes ne pourront pas être les même d'un bout à l'autre de la planète.

Ensuite et afin de déterminer la meilleure combinaison " Produit-Marché ", il est nécessaire de segmenter ce marché de la domotique selon les équipements proposés. On pourrait par exemple proposer aux individus d'équiper peu à peu leur maison en appareils communicants, en proposant des produits vendus séparément et adaptables selon les envies et le niveau de revenu du moment. Ensuite, il serait intéressant de pouvoir vendre aux individus qui le souhaitent, des solutions " clés en mains ", soit des " kit " complets pour faire de leur habitation une maison communicante.

Nous pouvons donc considérer que selon les besoins des individus, sécurité, recherche d'automatisation… Différents types de maisons communicantes sont à prévoir. On pourrait classer ces maisons en 3 catégories : la maison communicante, où les appareils communiquent entre eux, la maison tournée vers l'extérieur, qui envoie des informations, sur l'état de santé de ses occupants, et enfin la maison humaine qui connaît les habitudes de ses habitants et qui gère les appareils et la maison selon son ressenti. Il s'agirait de proposer des maisons fonctionnelles, équipées en appareils communicants et permettant déjà une délégation de certaines tâches ménagères, et des maisons plus performantes, intelligentes et tournées vers l'extérieur.

Taille

La taille actuelle du marché de la domotique est encore très modeste. Aujourd'hui, il semblerait que seul 5 % des maisons sont communicantes dans les pays industrialisés (source : Bruno de Latour). Le marché n'a pas encore décollé, alors que l'on utilise ce terme depuis 15 ans. Deux problèmes majeurs semblent expliquer cette lenteur. En premier lieu, il peut s'agir d'un problème lié à l'offre, étant donné qu'il n'existe pas aujourd'hui de structure claire et définie. Mais nous développerons cette idée dans une partie consacrée à la " structure actuelle et à venir de l'offre ".

On peut également considérer qu'il existe un réel problème au niveau de la demande. En effet, si ce marché ne s'est pas développé plus tôt, on peut penser que c'est à cause du manque d'intérêt des consommateurs. Il semblerait que les individus sont effrayés par un monde trop automatisé, et que surtout, ils ne sont pas prêts à dépenser de sommes importantes pour s'entourer d'appareils et d'équipements dont ils ne perçoivent pas l'intérêt (cf. questionnaire) et l'utilité. Cependant les opportunités de marché nous laissent présager que la taille du marché dans quelques années pourrait être conséquente. Tous les professionnels sont d'accord pour affirmer que nous pourrions enfin être arrivés à la phase d'émergence du concept.

Mais pour que ce marché se développe dans de bonnes conditions il est nécessaire que l'offre soit mieux structurée, ce que nous verrons dans une autre partie.